Frère Jean de Roquetaillade

 

Jean de Roquetaillade (Joannes de Rupescissa en latin) est né vers 1310 et il est mort 1366 en France.

 

Originaire d’Aurillac, il partit faire ses études de théologie à l’université de Toulouse de 1327 à 1332.

Puis il entra chez les Frères mineurs au couvent d'Aurillac, attaché au respect strict de la pauvreté volontaire, où il continua à étudier cinq ans.

"Saint François d'Assise"

c'est le fondateur des Frères mineurs attachés au vœux de pauvreté, ici peint par Francisco de Zurbaran 

 

Les dons prophétiques du frère Jean commencèrent à se manifester, il eut une vision de l’antéchrist.

On le considère aujourd'hui comme un « théologien, prophète, polémiste et alchimiste».

 

En alchimie, il fut l'introducteur de la notion de quintessence, qu'il déclarait pouvoir obtenir par distillations successives de l'aqua ardens (l'alcool).

 

Il légua ainsi à la postérité l'invention de l'analogie alchimique "lapis : Christus" et d'une alchimie médicale dont il tira parti en s'appliquant par ses propres travaux à livrer au monde un puissant médicament régénérateur, seul remède capable d'anéantir les effets désastreux de l'Antéchrist : l'alcool.

 

Il souhaitait aussi trouver la formule pour fabriquer de l’or, la donner aux pauvres et débarrasser le monde de la corruption de l’argent.

 

Auteur d'écrits critiques et prophétiques, rédigés dans un style à la fois poétique et grandiloquent, il s'attaqua au haut-clergé, aux puissants, et prévoyait une grande révolution qui abolirait tous leurs privilèges et renverserait la royauté. 

L'histoire a confirmé ces visions.

 

Il était hostile à la corruption de l’Eglise et à la politique du Pape Jean XXII.

Il annonça que Rome serait dépouillé du superflu dont elle avait abusée et la comparait à un oiseau né sans plumes, auxquels d’autres avaient fournis un plumage qu’ils réclamaient maintenant à cause de sa tyrannie.

 

Car Jésus lui-même en lavant les pieds de ses disciples leur demandait de se faire humble, d'être petit parmi les petits :


« Si donc je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres, car je vous ai donné un exemple afin que vous fassiez comme je vous ai fait. En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n'est pas plus grand que son seigneur, ni l'apôtre plus grand que celui qui l'a envoyé.
Si vous savez cela, vous êtes heureux, pourvu que vous le mettiez en pratique. »

(Jean 13, 14-18)

 

En 1340, il reçut une mise en garde de l’Inquisition d’Aurillac.

 

Entre 1340, ses premières révélations le secouèrent. Il vit en rêve l’antéchrist encore enfant, faisant partie des proches de l’empereur de Chine.

Pour lui c’était l’être qui tenterait de se substituer à Jésus.

 

Il annonça le triomphe de l'antéchrist pour 1366 : ce sera en fait la date de sa propre mort.

Cet antéchrist enfant viendra le hanter toute sa vie, et la fin du monde devient son idée fixe.

Il se mit à utiliser ses talents d’alchimistes pour faire des médicaments.

 

En 1344, le ministre provincial d’Aquitaine, futur ministre général de l'Ordre, Guillaume Farinier, s’inquiètait de ses déclarations et le fit emprisonner au couvent de Figeac.

 

En plus de ses visions apocalyptiques, il lui reprochait ses violentes attaques contre le Pape d'Avignon qui était lui-même hostile aux alchimistes.

Les écrits de Roquetaillade datant de cette époque sont tous perdus.

Inquisition


Imprudemment venu à Avignon, il fut arrêté en 1349, et n’échappa au bûcher que grâce à une habile défense : il réfutait être un "prophète" et assurait n’être qu’un "interprète".

 

Il fut jeté en prison à Avignon où il passa la majeure partie de ses vingt dernières années emprisonné dans une cellule, sous les accusations d'hérésie, de fausses prophéties et de magie.

 

Il resta prisonnier, tout en étant transféré, à plusieurs reprises dans divers couvents d’Aquitaine, ainsi qu'à Figeac, Martel, Brive.

Parfois dans des conditions atroces, croupissant dans ses propres excréments.

 

En 1345, il profita d'un transfert entre deux couvents, pour convaincre ses gardiens de le conduire à Avignon auprès du Pape Clément VI et lui présenter une requête.

Après avoir exposé sa cause en Consistoire, il fut emprisonné dans la prison du Soudan, et il lui fut demandé de mettre par écrit ses prédictions.

Saint Paul apôtre en prison par Rembrant

 

Ce sera le « Liber perfectum secretorum eventuum », qui décrit l'apparition de l'Antéchrist en 1366, l'exaltation de son pouvoir jusqu’en 1370, sa défaite jusqu’à l’avènement de Gog en l'an 2370.

Il expliquait aussi que les prophéties ont toujours existées dans l’Eglise et existeront toujours.

Il distingue deux âges, celui de l’ancienne alliance : où on annonçait la venue de Jésus ; et le suivant, celui de la nouvelle alliance à venir.

 

L’extase est pour Roquetaillade le moyen de voir des réalités qui échappent aux autres. On trouve en l’extase des réalités que l’on n’a jamais apprises.

 

Il écrit aussi « Liber ostensor quod adesse festinant tempora », autrement dit « Le livre qui montre ce qui va arriver dans les temps proches », qui parle d’évènements politiques à venir de son époque.

 

C’est un gros livre de 600 pages rédigé en trois mois. Il prédit la mort du Pape corrézien Innocent VI, pourtant en bonne santé.

Trois mois plus tard, sa Sainteté rend l’âme.

Les évènements décrits furent d’actualité plusieurs dizaines d’années après leur rédaction et ses écrits populaires se propagèrent à travers toute l’Europe à la fin du XIVe. 

Il avait prédit la crise de l’Eglise de 1362 à 1365, qui conduisit à la restauration de l’ordre franciscain sous l’impulsion d’un frère mineur.

Roquetaillade vit dans sa prison ce frère mineur très pauvre et très méprisé être accueilli aux cieux solennellement avec tous les honneurs.

 

Il voit aussi le Grand Schisme de l’Occident, qui vingt ans plus tard éclatera en 1378.

Son inspiration prophétique continuant de plus belle, en 1349, il fut interrogé à plusieurs reprises devant le consistoire.

Il prédisait de trop grandes tribulations pour l’Eglise et il cherchait à lutter contre les abus de la Papauté.

 

Sa réputation attirait des cardinaux qui venaient le voir en cachette dans sa prison. Et le cardinal de Périgord n’hésita pas à le consulter en dépit de la suspicion qui pesait sur lui.

Il le convoqua en 1351, pour l'interroger sur les menaces que pouvaient présenter les nouveaux cardinaux pour les anciens qui avaient échappé à la Peste Noire.

Quand il proclama, en 1356, qu’un roi "le fils de l’Aigle" subjuguerait les Maures d’Espagne et recouvrerait la Terre Sainte. 

Innocent VI le fit maintenir dans une étroite réclusion au palais des papes d'Avignon.


Deux ans auparavant, il s'était mis à dos le cardinal de Périgord pour avoir fustigé devant deux cent docteurs de la loi les richesses de l'Église et déclaré que le monde serait converti à la vraie foi par les frères mineurs.

Ce qui lui valut la réplique : « Frère Jean, tu dis que nous devons traverser de grandes tribulations et être chassés et perdre nos richesses et cette gloire temporelle que nous avons.

Et que le pouvoir du Pape et l'autorité de l'Église doivent retourner à certains pauvres de ton ordre : toutes choses qui sont impossibles et folles ».

 

Ses confrères « mendiants » de l’ordre de Saint François n’appréciaient pas ce témoin dissident et contestataire.

 

Au cours des années suivantes, il resta prisonnier, mais dans des conditions confortables, et rédigea un très grand nombre de traités, dont la plupart n'ont pas été conservés.

Ses idées apocalyptiques montraient une connaissance précise des œuvres de Joachim de Fiore et du commentaire sur l'Apocalypse de Pierre de Jean Olivi, qu'il défendit dans un texte intitulé "Sexdequiloquium", rédigé vers 1352-1353, et récemment retrouvé.

 

On garde aussi de lui le "Liber ostensordatant" de 1356, qui a été récemment publié, et un abrégé de ses pronostics, "Vademecum in tribulation", qui a largement circulé et qui a été traduit dans de nombreuses langues.

 

Il resta prisonnier jusqu'à sa mort à la prison du Soudan à Avignon en 1366, lorsque les Papes y siégeaient.

 

Prophéties

 

En 1345, il écrit :

« Le Pape devra fuir son Siège avec ses cardinaux ; il jouira d’un certain repos là où personne ne le reconnaîtra.

Cette affliction surpassera tout ce qu’a supporté l’Eglise antérieurement. »

 

« A la fin, Dieu suscitera un ange, son vicaire ; un Pape d’une vie si Sainte que les anges eux-mêmes en seront dans l’admiration.

Eclairé d’En Haut, il réformera le sacerdoce, le rappellera à la vie des Apôtres et convertira les Sarrasins, les Turcs et les Tartares.

 

A cette époque, l’univers sera dans une paix profonde.

Mais avant ces jours de bénédiction, les maux croîtront dans le monde…

L’arrivée de l’envoyé du Seigneur sera le commencement de la transformation.

 

Il transformera presque le monde entier par sa sainteté et ramènera tout le monde à la vraie Foi.

Partout régneront la Crainte de Dieu, la vertu et les bonnes mœurs.

 

Il ramènera au bercail toutes les brebis égarées et il n’y aura sur la terre qu’une seule Foi, une seule Loi, un seul Baptême, une même vie.

Tous les hommes s’entraîneront et feront le bien, et il n’y aura plus de dissensions ni de guerres. »

 

 

Sources

 

« De quinta essentia (De consideratione Quintae essentiae rerum omnium, vers 1350 -1581 » : La Vertu et propriété de la quinte essence de toutes choses, traduction faite en latin par Joannes de Rupescissa et mise en français, par Antoine Du Moulin.

 

« Le Liber secretorum eventuum », Jean de Roquetaillade, Éditions universitaires, 1994.

 

« Liber ostensor quod adesse festinant tempora », édition critique sous la direction d’André Vauchez (Sources et documents d’histoire du Moyen Âge, 8) (Rome : École française de Rome, 2006)

« Études sur Jean de Roquetaillade », Jeanne Bignami-Odier, Paris, Vrin, 1952.

 

« Jean de Roquetaillade (de Rupescissa), théologien, polémiste, alchimiste », Jeanne Bignami-Odier dansHistoire Littéraire de la France, Paris, 1981,

 

« Notice sur les ouvrages alchimiques de Jean de Rupescissa », Histoire littéraire de la France, Robert Halleux, Paris, 1981

 

« La conception de la prophétie chez Jean de Roquetaillade, Mélanges de l’École française de Rome, Moyen Âge », JP Torrel, 1990

 

« L’ecclésiologie franciscaine de Jean de Roquetaillade », Sylvain Piron 2007

 

« Roquetaillade, Jean de (XIVe siècle) », Raoul Vaneigem, Encyclopaedia Universalis

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